Norbert Zongo : ta justice à portée de main

PAYS : Bénin
DATE DE PUBLICATION : dimanche 14 décembre 2014
CATEGORIE : Articles
THEME : Politique
AUTEUR : Redaction

13 décembre 1998, 13 décembre 2014 : cela fait 16 ans, jour pour jour, que le journaliste Norbert Zongo a été assassiné et ce sous le régime Comparé. 16 ans que dure ce crime mais c’est aussi 16 ans durant que les commanditaires de sa mort courent et circulent tranquillement, librement et en toute impunité. Comme il est de coutume, chaque 13 décembre est un jour d’effervescence à travers le pays pour demander vérité et justice pour Norbert Zongo et partant pour tous les autres crimes de sang. C’est ainsi que ce 13 décembre 2014, le Collectif des Organisations Démocratiques de Masse et de Partis Politiques (CODMPP) et la Coalition Nationale de Lutte contre la Vie Chère, la Corruption, la Fraude, l’Impunité et pour les Libertés (CCVC) ont organisé une marche-meeting pour la réouverture du dossier Zongo. Quels sont les temps forts de la commémoration du 13 décembre de cette année juste après un mois deux semaines de la chute de Blaise Compaoré ?

Dépôts de gerbes au cimetière de Gounghin

Comme chaque année, tôt ce matin du 13 décembre, Norbert ZONGO a reçu, devant sa tombe au cimetière de Gounghin, une visite de gens venus lui rendre hommage et lui signifier, comme les 15 dernières années que son sacrifice ne sera pas vain. Cet acte s’est surtout matérialisé par un dépôt de gerbe sur sa tombe en présence du président du Collectif Chrysogone ZOUGMORE, de Me Bénéwendé SANKARA de l’UNIR/PS, de Me Guy Hervé KAM du Balai Citoyen, etc. Les martyrs de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 n’ont pas été en reste. Auoba Yempabou Fabrice et ses camarades ont également reçu une visite remarquée de la délégation toujours avec le même objectif : hommage et promesse de se battre pour que toute la lumière soit faite sur leur assassinat. Le cérémonial fut le même, dépôts de gerbe et prières. Après cette étape, place à la marche-meeting à la place de la Révolution.

Marche-meeting à la place de la révolution

Depuis le 13 décembre 2008, date de la dernière marche meeting organisée par le Collectif des organisations Démocratiques de Masses et de Partis Politiques (CODMPP), les Ouagavillois étaient frustrés et résolus de voir cette commémoration baisser en intensité d’année en année. Elle se limitait désormais à un simple meeting ou à une conférence publique. Mais fort heureusement, ce 16e anniversaire est venu damer le pion à ceux de ces 05 dernières années. Il s’est agi d’une marche meeting inauguré et clôturé par des prestations d’artistes engagés de la capitale. Pendant la marche certains scandaient comme toujours des slogans hostiles à l’ancien régime : « Blaise doit aller à la Cour pénale internationale(CPI) » ! Mais quelqu’un répond par la négation et confie : « il y a climatiseur et internet à la CPI, il ne souffrira ; il faut l’envoyer à la cellule 37 de la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) ». Y avait-il séjourné ? On ne le saura jamais. Mais il faut noter que ce changement de méthode de la part du CODMPP trouve certainement son explication dans les récentes manifestations des 30 et 31 octobre qui ont eu raison du pouvoir de Blaise COMPAORE.

Les moments forts de cette journée

L’un des moments forts de cette journée fut sans doute la marche. Dans une grande discipline entre slogans, chansons et danses les marcheurs ont bouclé le circuit sans aucun incident. Le discours le plus attendus était bien sûr celui du président du Collectif Chrysogone ZOUGMORE, mais aussi de la famille ZONGO. Mais avant que le parloir ne raisonne au rythme de ces allocutions, la chorale du collectif a émerveillé le public avec l’hymne à la mort de Norbert Zongo : « … on l’a tué et brulé à Sapouy … ».

A 11h12 minutes sonnantes, quelques membres du gouvernement conduits par le 1er ministre Zida font leur apparition sous le vivat de la population. Après leur installation, les discours continuent de plus belle et tous convergeaient vers le même objectif : « justice et vérité pour tous les crimes de sang et économiques en occurrence de Norbert Zongo et ses compagnons d’infortune, de Thomas Sankara [...] ». Après avoir cité ces derniers, madame la ministre de la justice, Joséphine OUADRAOGO engage une discussion silencieuse avec Zida. Lui a-t-elle suggéré d’accélérer la procédure judiciaire ? Boule de gomme. Un mandat d’arrêt contre Blaise Compaoré et son frère cadet, la nationalisation de certaines industries vendues à vil prix aux proches du président déchu, la dissolution pure et simple du Régiment de sécurité présidentiel (RSP) sont autres recommandations … à cette dernière doléance le peuple jugule et s’excite avec force avant de laisser entendre « maintenant et tout de suite ». Pour beaucoup le RSP est une milice et non un corps d’armée. Comme pour répondre à leur besoin, Zida commence à chuchoter aux oreilles du ministre de la sécurité. Mais que se sont-ils dit ? Encore un mystère. Autre personne autre réaction. C’est ainsi que lorsque la veuve de Norbert Zongo, sourire aux lèvres monte sur le parloir pour laisser entendre : « je vous salue. Merci beaucoup ! ». Elle n’en dira pas plus avant de descendre malgré les supplications de l’auditoire l’invitant à dire un mot. Initialement il n’a pas été prévu que le 1er ministre intervienne mais la pression de la jeunesse est venue à bout de sa réticence. Il leur réitère comme toujours que tout leur vœux sera exaucé mais avant tout il a besoin de leur accompagnement : « si vous n’êtes pas là à mes côtés je ne viendrai pas m’asseoir ici travailler tout seul comme un fou », a-t-il rassuré le public qui s’est confondu en rire. Ce petit discours ministériel, tel un remède a soulagé plus d’un.

C’est un concert d’artistes encagés qui mis fin à la cérémonie.

Ismaël COMPAORE et Masbé NDENGAR

« Le rôle des intellectuels n’est pas de participer à la lutte pour le pouvoir. Encore moins de chercher à l’exercer. Leur rôle est, précisément, de se dessaisir autant que possible de tout pouvoir, de renoncer à l’exercice de tout magistère. Il n’est pas d’interpeller qui que ce soit. Il est de se faire, pour une fois, les maîtres de l’ascèse. »

Achille MBEMBE, historien et politologue camerounais in « Le lumpen-radicalisme et autres maladies de la tyrannie », publié dans le MONDE Afrique

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