Biram Dah Abeid : « En Mauritanie, l’esclavage ancestral est pratiqué sur 20% de la population »
L’esclavage existe toujours en Mauritanie. Selon les statistiques, environ 150 000 personnes, soit 4 % de la population, sont réduites à l’esclavage. Un chiffre en deçà de la réalité selon les organisations de lutte contre l’esclavage. Bien que le pays se soit doté depuis 2015 d’une nouvelle loi plus sévère contre l’esclavage avec la mise en place de tribunaux spéciaux pour juger les crimes d’esclavage et les pratiques analogues à l’esclavage, ce sont plutôt les militants anti-esclavagistes qui se retrouvent toujours à être jugés et condamnés. L’on se rappelle de la condamnation, le 18 aout dernier, à des peines allant de trois à quinze ans de prison ferme de treize militants de l’ONG anti-esclavagiste mauritanienne IRA (Initiative de Résurgence du Mouvement Abolitionniste) par la Cour criminelle de Nouakchott. Que de paradoxes. Pour mieux comprendre la situation de l’esclavage en Mauritanie et la lutte des mouvements des droits de l’homme sur le terrain, nous sommes allés à la rencontre de Biram Dah Abeid, président d’IRA – Mauritanie. Lisez-plutôt !
DROIT LIBRE TV : Pouvez-vous nous présenter IRA - Mauritanie ?
Biram Dah Abeid : Nous sommes un mouvement de droit de l’homme qui milite contre les pratiques esclavagistes, contre les délits de racisme notamment les délits de l’Etat en Mauritanie. Les autorités agissent par une gouvernance afrophobe et nègrophobe qui mettent au banc la société, les structures et même tous les services et les richesses de l’Etat. Nous sommes aussi engagés contre les pratiques esclavagistes à travers nos tentatives inlassables d’amener les autorités mauritaniennes à punir par la loi les criminels esclavagistes, ceux qui continuent de pratiquer l’esclavage ancestral sur 20% des mauritaniens à travers des travaux sans repos, sans salaire, sans soins, des viols sexuels, des mutilations et biens d’autres crimes similaires à l’esclavage.
DROIT LIBRE TV : Quelles ont étés vos plus grandes actions depuis votre création en 2008 ?
Biram Dah Abeid : On n’a mené d’abord des manifestations publiques contre l’esclavage le 13 décembre 2010. Ce qui nous a valu notre premier emprisonnement. Nous avons vécu la répression, la torture autant dans la prison que devant le box des accusés, les tribunaux où nous avons transformé notre jugement en jugement de l’Etat Mauritanien. Cet Etat est acquit au lignage esclavagiste qui continue à mettre en dehors de l’humanité plus de 20% des Mauritaniens. Nous avons aussi incinéré de manière volontaire, symbolique et public le code de l’esclavage, le code Noir en Mauritanie qui est érigé en charia islamique et en principale source de loi. Ce code légitime la pratique de l’esclavage sur 20% de la population mauritanienne. On a aussi fait le pèlerinage de IRA- Mauritanie, c’est-à-dire poser le problème de ces Noirs mauritaniens, cadres civiles et militaires qui ont été tués dans le cadre d’une épuration ethnique orchestrée par le pouvoir raciste et esclavagiste, c’est-à- dire par cette oligarchie d’officiers militaires qui se sont arrosés de pouvoir en Mauritanie depuis 1978.
DROIT LIBRE TV : A vous entendre, le tableau des droits humains est sombre en Mauritanie. Est-ce exact ?
Biram Dah Abeid : Le tableau est sombre et IRA-Mauritanie, notre organisation est le fer de lance de la lutte des droits de l’homme et la lutte des personnes descendants des africains en Mauritanie. C’est aussi le fer de lance de la lutte contre la corruption et pour la démocratisation véritable de la société Mauritanienne. C’est ce qui nous vaut chaque année deux à trois procès de la part du gouvernement. Nous avons 15 de nos militants en prison. Ils écopent une peine de 3 à 15 ans à cause de la lutte qu’ils ont menée de manière légale et pacifique contre le fléau de l’esclavage et le racisme qui gangrènent la société et l’Etat Mauritanien.
DROIT LIBRE TV : Quelles sont les raisons profondes de votre engagement en politique ?
Biram Dah Abeid : Les raisons profondes de mon engagement en politique est que le groupe Servil et le groupe Noir victimes de racisme en Mauritanie n’ont pas de représentants au sein de la classe politique mauritanienne. Donc, les voix qui nous soutiennent ont réclamé que nous devons avoir un projet de société pour finaliser notre action pour l’affranchissement total et irréversible du peuple mauritanien contre le mensonge, la corruption, l’esclavage, le racisme et l’injustice.
Interview réalisée par Ismaël COMPAORE