Thomas Sankara, bientôt immortalisé par un mémorial

PAYS : Bénin
DATE DE PUBLICATION : lundi 3 octobre 2016
CATEGORIE : Articles
THEME : Justice

Le capitaine Thomas Sankara et ses camarades arrivaient au pouvoir en 1983. Il fut assassiné le 15 octobre 1987. Depuis son assassinat l’homme est resté toujours présent dans l’esprit de chaque Burkinabè. Il est immortel par son enseignement, ses discours, ses œuvres etc. Pour une idole pour la jeunesse africaine, il l’est. Et ce n’est donc pas fortuit lorsque que les jeunes bûchent son discours à tout coin de la rue. Ses idéaux sont plus que jamais vivants. C’est près de 30 ans plus tard que son mémorial sortira de la terre. Le lancement de ce projet a été fait le 2 octobre 2016 à Ouagadougou en présence de ses « héritiers » venus de plusieurs pays d’Afrique.

Dans la mythique salle de la maison du peuple, une minute de silence a été observée pour Thomas Sankara et toutes les victimes. Après cette phase de recueillement, la foule a entonné l’hymne national, poings levés. Comme il fallait s’y attendre, des slogans à n’en point finir ont retenti pendant de longs moments à l’exécution de l’hymne national.

Place est faite aux interventions. Le médecin colonel Abdoul Salam Kaboré est le premier à prendre la parole. Il plante le décor par quelques rappels historiques avant de confier aux jeunes que ce mémorial est citoyen : « ce mémorial doit être construit de vos mains, par vos moyens financiers », invite-t-il la jeunesse africaine à se mettre à l’œuvre pour la réalisation du projet. Selon Abdoul Salam Kaboré, par ailleurs ancien ministre de la santé sous la révolution, cet édifice nécessite environ 5 milliards de fcfa. Qui financera ce projet ? L’orateur a son astuce : « nous sommes 17 millions de Burkinabè et si 10 millions acceptent payer 100 f chacun, on aura 1 milliard dans un laps de temps pour commencer le travail ». Sa proposition a visiblement trouvé d’adhérents vue les ovations à faire trembler la salle.

Son intervention fut interrompue par l’entrée de Boukary Kaboré dit « le Lion ». Les jeunes ont voulu le touché, le salué. Les vivats et hourras des vuvuzelas l’ont accompagné jusque dans les bras de Jerry John Rawlings avec qui ils se sont salués chaleureusement et longuement. Après les « salamalecs » entre les deux personnalités, le ministre ‘’vaccination commando’’, c’est ainsi qu’il est surnommé, car c’est lui avait lancé l’opération vaccination commando sous la révolution au cours de laquelle en une semaine, deux millions de Burkinabè ont été vaccinés, a signifié à l’assemblée que la délégation ivoirienne qui effectuait le déplacement de Ouagadougou a connu une panne. A peine finit sa phrase qu’une voix s’élève dans l’ensemble en ces termes : « c’est Blaise qui est à l’origine de cette panne » a-t-il lancé avec une apparente certitude. Ce qui a suscité des rires à gorges déployées dans la salle.

Court et précis, c’est en ces mots qu’on peut qualifier le discours du Ministre de la culture, des arts et du tourisme, Tahirou Barry. « Nous sommes confiants et nous allons construire un mémorial digne de ce nom », confie le ministre de la culture à l’auditoire avant de poursuivre en disant que ceux qui ont tué Thomas Sankara ont tout simplement coupé l’arbre en oubliant les racines alors la force du baobab réside dans ses racines. La foule se met debout et interrompt l’intervention du ministre par des acclamations. C’est par des paraboles que Tahirou Barry rappelle aux assassins de Thomas Sankara de l’erreur qu’ils ont commises en l’éliminant : « l’éléphant peut mourir mais ses défenses restent plus fortes que jamais ». « Thomas Sankara restera vivant à jamais », c’est par ce rappel que le ministre a terminé son allocution.

Le message de l’ancien président Ghanéen, Jerry John Rawlings, parrain du mémorial a été on ne peut plus clair : « il y a toujours l’espoir en l’humanité ». Pour lui, réaliser le mémorial en souvenir de Thomas Sankara est une obligation morale qu’on doit respecter.

Masbé Ndengar

« Le rôle des intellectuels n’est pas de participer à la lutte pour le pouvoir. Encore moins de chercher à l’exercer. Leur rôle est, précisément, de se dessaisir autant que possible de tout pouvoir, de renoncer à l’exercice de tout magistère. Il n’est pas d’interpeller qui que ce soit. Il est de se faire, pour une fois, les maîtres de l’ascèse. »

Achille MBEMBE, historien et politologue camerounais in « Le lumpen-radicalisme et autres maladies de la tyrannie », publié dans le MONDE Afrique

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