Je peux tout donner, sauf mon sang !

PAYS : Niger
DATE DE PUBLICATION : lundi 22 juin 2015
CATEGORIE : Blog
THEME : Santé

Beaucoup de personnes ont peur de faire don de leur sang. Cela explique pourquoi un grand frère m’a crié dessus ce matin quand je lui ai demandé d’aller donner son sang, dans le cadre d’une cérémonie de promotion du don de sang, organisée à l’Ecole Normale Kaocen de Tahoua. L’objectif de cette rencontre, selon les organisateurs, était d’encourager les nouveaux volontaires à venir donner leur sang aux malades. Une série de questions a été posée à l’assistance. Le candidat qui répond juste à la question posée a droit à un tee-shirt. Le bénévole qui accepte de donner son sang a droit, lui aussi, à d’autres petits cadeaux.

Donner son sang est un acte courageux, simple et très louable. Offrir son sang à une personne malade équivaut à lui offrir la vie. Ce qui est lamentable c’est que certains pensent que la plupart du sang donné n’est pas utilisé à bon escient. Quant aux autres, ils ont peur de se retrouver sur un lit d’hôpital après un don de sang. Ils sont très septiques. Pourquoi, en cherchant à sauver une vie, on perd la sienne ? En effet, après quelques goûtes de sang perdues lors d’une hémorragie, certaines personnes souffrent énormément. Mais chez les plus fanatiques, c’est la crainte d’alimenter le corps d’un « faux type » qui les pousse à refuser leur sang. Quelle imagination !

Les populations sont tellement mal informées sur la question qu’elles peuvent tout vous offrir, sauf le sang. Toutefois, Ibrahim Maikaka, docteur en santé de la reproduction, affirme que le don de sang est sans risques si les conditions générales sont respectées : être en bonne santé ; être âgé d’au moins 18 ans. Pour les femmes, ne pas être enceinte ou en période d’allaitement. Aussi il faut respecter le délai, qui est de 03 mois pour les hommes et de 04 mois pour les femmes.

A Tahoua, la saison des pluies s’annonce. Cette période est porteuse de beaucoup de maladies, surtout le paludisme. Chez les enfants, il provoque l’éclatement des globules rouges (hémolyse) entraînant une anémie. Sans transfusion sanguine, l’enfant peut mourir. Une forte demande de sang, chez les personnes hospitalisées, amoindrit la banque de sang. Ainsi, les parents de malades sont parfois obligés d’avoir recours aux parents, amis et connaissances pour sauver la vie de leur malade. C’est aussi une occasion, pour certains, de se faire de l’argent. Des accompagnateurs de malades, qui ne connaissent personne en ville et qui n’ont pas trouvé de donneur volontaire, négocient avec des « vendeurs » qui rodent tout autour des centres médicaux. Si dans d’autres pays, les gens vendent des parties de leurs corps, chez nous au Niger, c’est le sang qui est vendu. Un sachet de sang se négocie entre 5 000 à 10 000 francs CFA. La santé n’a pas de prix. Il faut reconnaître enfin que c’est la recherche du gain facile qui pousse ces jeunes à s’impliquer dans ce type de trafic. Chez le laborantin, c’est une affaire de 10 minutes et tu as ton billet en poche.

Article initialement publié sur le blog de Tedjane

« Le rôle des intellectuels n’est pas de participer à la lutte pour le pouvoir. Encore moins de chercher à l’exercer. Leur rôle est, précisément, de se dessaisir autant que possible de tout pouvoir, de renoncer à l’exercice de tout magistère. Il n’est pas d’interpeller qui que ce soit. Il est de se faire, pour une fois, les maîtres de l’ascèse. »

Achille MBEMBE, historien et politologue camerounais in « Le lumpen-radicalisme et autres maladies de la tyrannie », publié dans le MONDE Afrique

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