Université de Ouagadougou : Bras de fer entre les étudiants et le DG du CENOU !

PAYS : Bénin
DATE DE PUBLICATION : mardi 25 octobre 2016
THEME : Education

Les étudiants de l’Université Ouaga 1 Professeur Joseph KI-ZERBO (UO1 Pr JKZ) ont encore fait parler d’eux. Une course poursuite entre les éléments de la Compagnie Républicaine de Sécurité (CRS) et les étudiants s’est enclenchée ce jour 25 octobre 2016. Tôt le matin, les étudiants ont décidé d’exprimer leur ras-le-bol. Le mobile : le départ du Directeur Général du CENOU, Serge Bayala. Ce dernier a été remplacé par Yacouba Ouédraogo lors d’un conseil des ministres et refuse de libérer le plancher. Dès lors, certains étudiants sont déterminés à le faire partir de force. Ce dernier s’étonne de la manifestation des étudiants dans la mesure où il affirme que « le CENOU n’est pas le champ de son grand père ». Pour lui, le CENOU n’est pas la CAMEG où on ne sait pas qui fait quoi. « Ici les textes sont clairs ». Ambiance d’une journée ensoleillée.

Nous sommes rentrés à l’université par la porte de l’Est. Tout semble normal. Les étudiants entrent et sortent. Les motos sont au parking. Au restaurant central, les étudiants se bousculent dans le rang pour leur pitance du jour. Nous avons franchi le pont de l’université. Une grosse fumée s’élève au ciel et pénètre à l’université par la porte Sud. Un étudiant se mouche bruyamment entre deux quintes de toux. Qu’est-ce qui se passe ? « Gaz lacrymogène ! », répond-il. Vous êtes de la presse ? Oui. « C’est bien. Regardez, ils nous ont tirés dessus. Il faut filmer », en nous montrant les douilles de gaz lacrymogènes.

Nous sommes arrivés sur la grande voie Charles De Gaulle. Des picotements au nez. Des yeux larmoyants. L’air avait l’odeur des gaz lacrymogènes. Des barricades sont dressées. Des vieux pneus discutent la place avec des morceaux de briques et de bois. Personne ne passe. Les étudiants sont visiblement les maîtres des lieux. « Tant que DG sera là, nous continuerons la lutte », scandent certains.

En effet, les étudiants ne veulent plus du directeur général du Centre National des Œuvres Universitaires (CENOU), Serges Bayala. Ils lui demandent de céder sa place à Yacouba Ouédraogo, nouvellement nommé en conseil des ministres. « Depuis l’année passée, les structures syndicales se sont mises ensemble pour demander le départ du directeur général du CENOU. Il ne s’occupe pas des œuvres sociales mais plutôt de sa poche. Depuis qu’il est à la tête de cette institution, les services sont fermés et les étudiants meurent de faim. Tout ce qui est œuvre sociale ne fonctionne plus dans les universités publiques du Burkina Faso », tel est le récit de Augustin Dapougdi Pallo, Secrétaire général national adjoint2 (SGNA2) de La Fédération Estudiantine et Scolaire pour l’Intégrité au Burkina Faso (FESCIBF).

Où est le respect de l’autorité de l’Etat ?

Pour Augustin Dapougdi Pallo, il n’est pas question de maintenir un Directeur général (DG) dont sa gestion est calamiteuse à la tête des œuvres universitaires surtout qu’il a été démis de ses fonctions par un conseil des ministres : « les étudiants se sont réunis avec la complicité des délégués des cités universitaires pour demander le départ de l’ex directeur général qui nous fout la merde depuis un certain moment. Dieu merci il a été remplacé par Yacouba Ouédraogo au conseil des ministres ». Pour le Secrétaire général national adjoint 2, il n’est plus question de composer avec ce DG qui avait laissé les étudiants dormir dans les rues de par le passé. « On ne veut plus de ce DG », a laissé entendre d’un ton sec Augustin Dapougdi Pallo. Pour ce dernier, si les autorités demandent de respecter l’autorité de l’État alors cela doit commencer d’abord par les responsables. « Si un responsable refuse de respecter une décision qui a été prise en conseil des ministres alors où est le respect de l’autorité de l’État ? », se demande le responsable des étudiants. A entendre Augustin Dapougdi Pallo, une démarche pacifique a été menée pour le départ « tranquille » du DG mais ce dernier leur a fait savoir qu’il ne démissionnera jamais. Ainsi, ils ont décidé de marcher pour se faire entendre.

Une dizaine de blessé et deux disparus

A cette plateforme revendicative s’ajoutent d’autres besoins. Les étudiants réclament également les moyens de transport en occurrence les bus. « S’ils ont construit des cités universitaires très loin du campus alors il est important de mettre les bus à la disposition des étudiants ». Les échauffourées ont occasionné des blessés. « Nous enregistrons actuellement une dizaine de blessés et deux disparus », a confié le SGNA2 qui dit ignorer si ces disparus sont entre les mains de la CRS.

A l’infirmerie de l’université, nous avons rencontré Achimi Bamouni, assis sur un petit matelas. Il a à son actif une perfusion. Son bras droit est attaché et suspendu par une bande au cou. Que s’est-il passé ? « La CRS a tiré sur nous des gaz lacrymogènes à bout portant. C’est en fuyant que je suis tombé. En me relevant, j’ai constaté que mon bras n’était plus comme avant : une fracture ». Aidé par un agent de santé et deux camarades, Achimi Bamouni a été installé dans un taxi qui le transporte à l’hôpital Yalgado. Selon ses camarades d’autres étudiants ont été déjà évacués à Yalgado pour des soins appropriés.

Le CENOU n’est pas la CAMEG où on ne sait pas qui fait quoi

Nous avons contacté l’ancien DG du CENOU par téléphone. Il été surpris ou faisait-il semblant d’ignorer la manifestation des étudiants : « ah bon, les étudiants ont manifesté ce matin ? » nous lui avons relaté le film des événements mais Serge Bayala nous dira qu’il n’aime pas rentrer dans « les débats de rue » et que « les étudiants peuvent continuer à manifester ». Je suis appelé à partir et je partirai : « Je ne suis pas né au CENOU pour refuser de partir », a confié l’ancien DG avant de renchérir : « le CENOU n’est pas le champ de mon grand-père ». Mais les étudiants ont dit que vous refusez de céder votre place à votre successeur ? « Adressez-vous au ministre et vous comprendrez pourquoi je suis toujours là. » Pour lui, « le CENOU n’est pas la CAMEG où on ne sait pas qui fait quoi. Au CENOU, les textes sont clairs ». D’après l’ancien DG, il est impossible qu’il refuse de partir dans la mesure où son successeur a été nommé. Serge Bayala serait-il toujours à son poste malgré lui ? « J’aurai voulu qu’il y ait passation de service pour pouvoir me libérer de cette affaire de riz gras et de riz sauce mais ça traîne ». Il ne dira plus rien puisqu’il nous invite à mener notre investigation auprès de son ministre de tutelle qui sait certainement pourquoi il est toujours là. « Je n’accorde plus d’interview sur ce sujet », conclut-il.

Masbé NDENGAR

« Le rôle des intellectuels n’est pas de participer à la lutte pour le pouvoir. Encore moins de chercher à l’exercer. Leur rôle est, précisément, de se dessaisir autant que possible de tout pouvoir, de renoncer à l’exercice de tout magistère. Il n’est pas d’interpeller qui que ce soit. Il est de se faire, pour une fois, les maîtres de l’ascèse. »

Achille MBEMBE, historien et politologue camerounais in « Le lumpen-radicalisme et autres maladies de la tyrannie », publié dans le MONDE Afrique

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