Insurrection populaire au Burkina Faso : Le ballet des troubles fêtes

PAYS : Bénin
DATE DE PUBLICATION : samedi 8 novembre 2014
CATEGORIE : Blog
THEME : Opinions

L’insurrection du peuple burkinabè qui a mis fin à 27 ans de pouvoir de Blaise Compaoré n’en finit pas d’attirer les attentions de par le monde. Ce soulèvement populaire, que certains qualifient d’une première étape d’une révolution en marche est encore le sujet de prédilection dans les « grins » de thé, les services et notamment sur les réseaux sociaux. Chacun y va de son analyse et commentaire. La jeunesse burkinabè fière de son courage ne s’est jamais sentie aussi intègre. La jeunesse burkinabè ne s’identifie qu’à cette devise ; « la patrie ou la mort, nous vaincrons ». Désormais, point besoin de se demander qui de Sankara ou de Compaoré a eu raison face au tribunal de l’histoire.

L’audace et la témérité de Thomas Sankara habitait les manifestants

Du 28 au 31 octobre 2014, la jeunesse du « pays des hommes intègres » bravant menaces, gaz lacrymogènes, balles, prête à affronter CRS, gendarmes et militaires se sentait investit de l’audace et de la témérité de Thomas Sankara. On pouvait entendre partout dans les rues : « les petits Sankara sont là, les enfants de Sankara ont grandi, tuer Sankara et il naitra des millions de Sankara… » ; Ou encore : « Blaise dégage », « Blaise assassin », libérez Kossyam » …

Objectif atteint !

Chose promise, chose due. Le peuple déterminé a atteint son objectif : le retrait du projet de loi portant modification de l’article 37 de la constitution. Mais en plus de cela, Blaise Compaoré sous la pression de la rue abandonnait sa fonction de président pour de bon. Comme disait un des manifestants « on voulait un, on a eu deux », ou un autre avec humour « Blaise voulait 15 ans de plus, il a eu un an de moins ».

Le pouvoir au peuple !

La victoire du peuple ! Le pouvoir au peuple ! « Blaise salaud, le peuple a eu ta peau ! » chantaient en chœur les burkinabè sorti nombreux à la place de la révolution. Mais la fausse note qui aujourd’hui encore continue à se faire entendre reste celle de la communauté internationale. Le peuple, ou les manifestants qui étaient sur le terrain soulignent avoir « confié » le pouvoir à l’armée afin d’éviter que le pays ne bascule dans le chaos. Mais la communauté internationale qui penche pour une transition civile brandit déjà la carte des sanctions. Rappelons que la transition civile serait l’idéal pour conduire le pays vers une démocratisation véritable. D’ailleurs le lieutenant-colonel Zida ne manque d’affirmer qu’il compte remettre le pouvoir aux civils car c’est une révolution du peuple et non « un coup d’état militaire ».

Toutefois, ce qui exaspèrent plus d’un burkinabè et même toute personne qui suit de près les évènements qui se déroulent actuellement au Burkina Faso, c’est la rapidité avec laquelle l’on parle de sanctions. L’union Africaine qui pendant longtemps s’est désintéressé de la politique burkinabè n’a subitement qu’un mot à la bouche : sanctions, sanctions !


A Quoi servent vraiment l’union Africaine et la communauté internationale ?

A cette question, ils sont nombreux les africains qui répondent à rien. L’UA en effet est pratiquement inexistante et cela personne ne l’ignore. Quant à la communauté internationale, elle s’assimile de plus en plus à un mensonge mondial.
L’épidémie d’Ebola continue de faire des ravages, mais personne n’est capable d’agir. L’exemple du Congo, pays oublié dans une guerre qui ne finit pas de faire des victimes, est également assez parlant. Mais là, l’UA reste passive. Ou était l’UA quand les centrafricains se tuaient et que le pays sombrait dans la tragédie ? Au nord Nigéria, Boko Haram fait sa loi mais l’UA reste sourde et aveugle. La folie des dirigeants africains consistant à trouver toutes les astuces pour s’éterniser au pouvoir, n’interpellent nullement l’UA. Les dictateurs en RDC, au Congo Brazzaville, au Togo, au Gabon, au Soudan, au Tchad, au Cameroun … veulent s’éterniser au pouvoir mais l’UA comme d’habitude est impuissante et ne les interpelle point.

Le courroux de l’UA et de la communauté internationale

On a l’impression que l’UA et la communauté internationale ne sont pas ravies du fait que jusque-là tout se passe bien au pays des hommes intègres. Une insurrection populaire qui pousse un dictateur hors de son palais, un soulèvement populaire qui ne se solde pas par un carnage semble provoquer le courroux de notre chère communauté internationale. Tout porte à croire qu’ils ne s’attendaient pas à ce que les choses se passent sans bain de sang.


La leçon et le message fort du peuple burkinabè à la communauté internationale

Le peuple burkinabè décidément ne leur a pas donné l’occasion de venir faire de l’assistanat à personne en danger. Sont-ils frustrés du fait qu’un peuple, débout comme un seul homme, décide de prendre son destin en main ? Sinon comment comprendre qu’à peine les concertations commencées, entre les forces vives de la nation, l’UA lance un ultimatum ? Que dire du Canada qui a déjà décidé de couper toute aide à l’Etat Burkinabè ?


François Hollande et le néocolonialisme français !

François Hollande, président néocolonialiste, comme pour déstabiliser une nation déjà peu stable actuellement, affirme sans ambages que la France à bien aidé à l’évacuation vers la Côte d’Ivoire de Blaise Compaoré. La France décidément est à l’heure de la transparence : « plus de secret d’Etat ». Il faut bien que la grande France joue sa position. Hollande semble nous dire que sans la France, c’était le drame qui pointait à l’horizon. Merci Monsieur Hollande pour votre implication. Même si le monde entier n’ignore pas que cette fois, vous avez été absents et que tout le mérite revient au peuple burkinabè.

Et si l’Afrique avait lancé sa révolution à partir du Burkina ?

Finalement, il semble que la communauté internationale, avec à sa tête l’UA veut saboter ce noble soulèvement populaire du peuple burkinabè. Il semble qu’ils veulent mettre un terme à ce réveil citoyen qui est partie pour gagner toute l’Afrique noire. La logique voudrait qu’on laisse le peuple discuter afin de trouver la solution appropriée à l’après Blaise. La raison voudrait qu’on donne le temps, juste un peu de temps afin d’aboutir à une transition apaisée. Pourquoi sont-ils si pressés ? Est-ce pour étouffer toutes ces voix de petits Sankara qui s’élèvent lentement mais surement au cœur de l’Afrique ? Et si l’Afrique avait lancé sa révolution à partir du Burkina ? Autant de questions que l’histoire se chargera de répondre.

Yaranangoré Cheikhna pour Droit Libre TV

« Le rôle des intellectuels n’est pas de participer à la lutte pour le pouvoir. Encore moins de chercher à l’exercer. Leur rôle est, précisément, de se dessaisir autant que possible de tout pouvoir, de renoncer à l’exercice de tout magistère. Il n’est pas d’interpeller qui que ce soit. Il est de se faire, pour une fois, les maîtres de l’ascèse. »

Achille MBEMBE, historien et politologue camerounais in « Le lumpen-radicalisme et autres maladies de la tyrannie », publié dans le MONDE Afrique

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