Mali : futurs pourparlers avec les rebelles, attention aux terminologies !

PAYS : Mali
DATE DE PUBLICATION : mardi 15 juillet 2014
CATEGORIE : Blog
THEME : Opinions

Après l’échec de la proclamation d’indépendance de la République chimérique d’Azawad en 2012, les rebelles du MNLA (Mouvement National pour la Libération de l’Azawad) avaient jeté leur dévolu sur l’autodétermination. Constatant un autre revers à l’horizon, le MNLA avec leurs acolytes aspirent au fédéralisme. En effet, dans un article intitulé ‘Mali : Non à la décentralisation, Oui au fédéralisme’ publié par le quotidien Jeune Afrique du 24 juin 2014, le chargé de communication du MLNA, Attaye Ag Mohamed affirme : « Dans un Mali territorial, il faut un système fédéral sur la base de deux États établis suivant le schéma politique et historique du conflit. La fédération du Mali devra comporter deux États principaux qui seront l’Azawad et le Maliba avec la capitale fédérale à Mopti. »

A l’aube des futures négociations entre le gouvernement du Mali et les rebelles du nord qui, se tiendront dans la capitale Algérienne le 16 juillet 2014, il y a lieu d’élucider certaines terminologies qui ont une tendance récurrente depuis le début de la crise septentrionale à nos jours. Il s’agit des termes suivants : l’auto-détermination, la décentralisation poussée, le fédéralisme.

L’auto-détermination : le concept d’autodétermination s’oppose à celui d’intégrité territoriale et c’est l’autodétermination qui engendre l’indépendance.
La lutte d’indépendance des récents états Erythrée (1993), Kosovo (2008) et Soudan du Sud (2011) avait commencé par les mêmes aspirations : ‘l’autodétermination’. Alors qu’est-ce que l’autodétermination ? L’autodétermination initialement appelée droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, est le principe issu du droit international selon lequel chaque peuple dispose d’un choix libre et souverain de déterminer la forme de son régime politique, indépendamment de toute influence étrangère. Il s’agit d’un droit collectif qui ne peut être mis en œuvre qu’au niveau d’un peuple. Selon Rfi, le mouvement d’autodétermination fut très sollicité après la seconde guerre mondiale car bon nombre de pays et de peuples étaient encore sous la dépendance coloniale. Au vu de ce mouvement, c’est ainsi que le 14 décembre 1960, Assemblée générale de l’ONU (Organisation des Nations Unies) vota la Résolution 1514 (XV), dite « Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux ». Les points à retenir de la résolution 1514 (XV) sont :

1- l’indépendance et la souveraineté,
2- libre association avec un État indépendant.

Qu’est-ce que le fédéralisme ?

Le fédéralisme est un système d’organisation, d’administration et de gouvernement dans lequel l’État est organisé en fédération et partage avec les États fédérés les diverses compétences constitutionnelles : législatives, juridictionnelles et administratives. Un Etat fédéral peut être constitué par deux logiques verticales : Ascendante et descendante. La manière ascendante est que des États unitaires vont créer, par le biais d’une constitution, un État qui leur est supérieur, l’État fédéral (fédéralisme par agrégation). La façon descendante est qu’un État unitaire va se scinder en plusieurs entités fédérées (fédéralisme par désagrégation).
Que dit la constitution de la République du Mali à propos du fédéralisme ?
Elle stipule en son article 117 : La République du Mali peut conclure avec tout Etat africain des accords d’association ou de communauté comprenant abandon partiel ou total de souveraineté en vue de réaliser l’unité africaine. Le fédéralisme par la manière ascendante esquissé ci-haut est prévenu par la constitution de février 1992.
Le fédéralisme par la façon descendante qui est qu’un État unitaire se scinde en plusieurs entités fédérées, celle réclamé par le MNLA est et sera une violation de notre constitution, en un mot un enfreint de la constitution de février 1992 de la République du Mali.

Décentralisation poussée

Il existe également une différence entre le fédéralisme et la décentralisation, même si la décentralisation poussée est appliquée par certains États, avec un fonctionnement semblable à celui d’une fédération. La différence entre un État (unitaire) fortement décentralisé, et un État fédéral tient dans la source du pouvoir : dans un État décentralisé, il est délégué par l’État aux régions par une loi (il peut donc théoriquement le leur reprendre), tandis que dans un État fédéral, elle est prévue par une constitution et ne peut être modifiée facilement.

Que nos autorités fassent attention dans l’application des terminologies dans les futurs accords avec nos frères égarés, car l’avenir et le devenir de notre nation en dépendront.

À qui de droit.

Article initialement publié sur le blog de Issa Bala SANGARE

« Le rôle des intellectuels n’est pas de participer à la lutte pour le pouvoir. Encore moins de chercher à l’exercer. Leur rôle est, précisément, de se dessaisir autant que possible de tout pouvoir, de renoncer à l’exercice de tout magistère. Il n’est pas d’interpeller qui que ce soit. Il est de se faire, pour une fois, les maîtres de l’ascèse. »

Achille MBEMBE, historien et politologue camerounais in « Le lumpen-radicalisme et autres maladies de la tyrannie », publié dans le MONDE Afrique

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