Liberté de presse au Burkina Faso : 15 millions de FCFA cash en cas de diffamation !
Les responsables des organisations professionnelles des médias ont organisé une conférence de presse au Centre national de presse Norbert Zongo (CNP-NZ) le 29 août 2015. La raison : le gouvernement de transition a revu à la hausse les amendes liées au délit de presse à 15 millions de FCFA. C’est un projet de loi qui a été transmis au Conseil national de transition. Les hommes de médias jugent cette loi suicidaire et ne demandent que l’application du code de l’information de 1993 qui a fixé les amendes à un million de FCA au maximum. C’est à noter également que la loi sur la dépénalisation de délit de presse a été proposée.
Pour une conférence de presse qui a suscité la colère des hommes de médias c’en une ce 29 août 2015. Les hommes de médias ne sont pas du tout contents du projet de loi du gouvernement de transition portant sur les médias. Le projet de loi abroge la peine de prison certes mais alourdi en revanche les amendes. Au lieu d’un million de FCFA, désormais les organes condamnés pour diffamation devront payer 10 à 15 millions de francs. Pour les professionnels de médias, organisateurs de cette conférence de presse, cette lourde peine est à la fois insupportable et intenable pour les entreprises, disent-ils, au pouvoir économique très faible. Comme solution, le présidium composé de Lookman Sawadogo, président de la Société des éditeurs de la presse privée (SEP) ; Guezouma Sanogo, président de l’association des syndicats professionnels du Burkina et Aboubacar Sanfo, secrétaire général adjoint du Syndicat autonome des travailleurs de l’information et de la culture (SYNATIC) a proposé la prise en compte de la réalité économique des entreprises de presse et demande le maintien des peines d’amende anciennement dans le code l’information.
A la question de savoir les raisons avancées par le gouvernement pour prendre une telle décision, Lookman Sawadogo et ses camarades disent en ignorer mais selon eux le gouvernement estime que si la peine de prison est abrogée il faut revoir les amendes à la hausse pour dissuader. « Le gouvernement pense qu’il faut avoir une épée de Damoclès sur la tête des journalistes pour les responsabiliser », tente de justifier Lookman Sawadogo, la décision du gouvernement. Cette protestation n’est pas une demande de l’impunité pour les journalistes : « s’il y a un délit, il faut condamner mais un délit n’est pas un crime », a laissé entendre Guezouma Sanogo. Les conférenciers disent avoir fait des propositions au gouvernement mais aucune n’a été prise en compte. « Nous voulons prendre l’opinion publique en témoin face à un partenaire qui refuse de faire des concessions », se défend Guezouma Sanogo.
Et si le gouvernement ne répond pas favorablement à votre requête, qu’allez-vous faire ? A cette question, Lookman Sawadogo fait comprendre que ce dernier n’a pas le choix que de répondre dans la mesure où l’Etat Burkinabè a été condamné par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) dans l’affaire Lohé Konaté. Comme pour être plus convaincant, le président de la SEP de citer la décision de CADHP : « La juridiction africaine dans son arrêt a intimé l’ordre au Burkina Faso de lever toutes les entraves à la liberté de presse contenu dans sa législation par endroit anachronique… ». « La dépénalisation est donc une exécution de décision de juridiction », conclu Lookman Sawadogo.
Cette amende n’est-elle pas une mesure dissuasive dans la mesure où la peine de prison a été abrogée ? A cette préoccupation d’une consœur, Lookman Sawadogo se veut plus clair en disant : « on n’est pas au marché pour dire qu’on va retrancher ici pour ajouter là ! Ce n’est pas la loi de l’offre et de la demande ! Tel que c’est fait, on créera bien au contraire une presse au rabais ».
La condamnation du directeur de publication de Reporter, Boureima Ouédraogo s’est invitée à l’ordre du jour. Selon Guezouma Sanogo, cette condamnation n’a pas de sens : « c’est une condamnation anachronique qui ne s’explique pas ». Il poursuit en fustigeant l’État burkinabè qui n’hésite pas, d’après lui, a envoyé les journalistes derrière les barreaux : « un État sérieux n’emprisonne pas ses journalistes ».
Des avancées…
Il n’y pas que des points sombres dans ce projet de loi. Il y a aussi des avancées majeures notamment l’abrogation de la peine de prison ou la dépénalisation de délit de presse. A cela s’ajoute la définition du statut du journaliste, l’accès aux sources d’information, une législation au profit de la presse en ligne qui n’en dispose pas jusqu’à nos jours. Certaines dispositions de ce projet de loi sont, de l’avis des conférenciers une lueur d’espoir pour la presse burkinabè. En effet, ce projet de loi prévoit la défiscalisation du matériel des médias pour 2015, la création d’un fonds pour la presse, les allègements fiscaux pour l’imposition des entreprises de presse en plus d’une subvention publique.
« Nous demandons au gouvernement de revoir ses prétentions à la baisse », c’est par cette requête à l’allure d’une prière que la conférence a pris fin.
Masbé NDENGAR