Forum national sur l’éducation au Bénin - Une jeunesse réactive en soif d’un soi
L’engagement des artistes est longtemps resté objet de discussions. D’aucuns les accusent d’être plus passifs qu’actifs. Au nom d’une citoyenneté ressentie, est-il suffisant de gronder, grogner pour prétendre faire sa part d’action vis-à-vis de son pays ? D’ailleurs, revendiquer est-ce uniquement parler aux gens et attendre qu’ils fassent ce qu’ils ne ressentent suffisamment pas encore ? La meilleure façon de réaliser ses ambitions pour les siens, ne serait-ce en les incarnant ?
Pour une nouvelle approche éducative
C’est probablement autant de questionnements qui ont sous-tendu la démarche du spoken worder (slameur) béninois K-mal Radji. Dans sa quête d’un épanouissement de la jeunesse décidée par les jeunes, pour les jeunes, et à travers les jeunes, il en est arrivé à s’ériger en porte-voix d’une nouvelle physionomie de l’éducation béninoise. Sa démarche consistait, aux côtés de l’OBSERVATOIRE DES JEUNES POUR UN BENIN NOUVEAU, à proposer lors des ETATS GENERAUX DE L’EDUCATION organisé par le gouvernement béninois, une nouvelle approche du système éducatif.
OUI pour la mi-temps pédagogique à l’école …
Tout est d’abord, parti d’une marche. Sur les banderoles, le message était affirmatif, et incisif : « OUI pour la mi-temps pédagogique à l’école pour une formation professionnelle pratique ». Téméraire mais pragmatique, cette requête a résonné tel un slogan décisif visant à une approche débarrassée des impositions exigées par les partenaires techniques financiers (PTF). Pourrait-on être libre et indépendant en réfléchissant tel que les autres nous l’exige ? C’est pourquoi, pour ces jeunes, il apparaissait crucial d’opter pour des approches adaptées aux réalités internes du pays, prenant en compte les conditions de vie, de besoins des jeunes, et leurs nécessités sur place, avec comme appui des débouchés à vocation régénératrices de potentialités. C’est donc cette marche qui a valu à la jeunesse béninoise, une infime mais objective représentativité lors du 2e Forum Sur Le Secteur De L’Education au Bénin. Et d’après les propos de K-mal Radji : « pour ne pas être confronté aux arguments d’un manque d’argent et à défaut de moyens financiers sérieux immédiats pour un changement total, nous avons proposé aux pouvoirs politiques des horaires pour nos écoles :
De 08 h à 14h, pour les classes sans examen.
De 07h à 14h pour les classes en examen.
Dans ce contexte, les écoles exigeront des enfants, le choix d’une matière artistique ou métiers de la main passionnant, parascolaire à pratiquer sous le contrôle des parents. Cette activité contribuera à donner aux enfants, l’amour du travail manuel, la valorisation des autres métiers de la société. Entre outre, ces métiers à choisir seraient la mécanique, la menuiserie, le commerce, la couture, l’agriculture, l’élevage, la pêche, etc. liés à nos manques et besoins. »
La rupture avec les vieilles pratiques
C’est donc un appel à rupture avec un système colonial empirique mais persistant, conditionnant un taux de chômage grandissant et un désintérêt alarmant du sort du pays par les jeunes béninois, que réclame K-mal et ses compagnons. En participant, avec un comité restreint à une assise où l’on « décidait de l’avenir de la jeunesse béninoise sans aucune représentation de la jeunesse du Bénin », l’artiste vient de prouver combien son implication va au-delà de sa musique. Elle paraît être un prolongement de ses convictions intimes, mordantes pour une Afrique bâtissant à partir d’elle-même.
Quels enseignements et résolutions ?
A l’issue de ce Forum, il conviendrait de révéler l’adversité à laquelle ont dû faire face les représentants de la jeunesse béninoise. Liée au ton dit « utopiste » et « radical » de leurs propositions, elle a été renforcée par l’opposition affirmée de « l’Agence Française de Développement », permanemment présente pour « surveiller les résolutions à prendre, et rappeler les intérêts de la France ».
Il reviendrait à présent, au Bénin, de faire face à ses propres rêves, à ses responsabilités à l’égard d’elle-même. Les pouvoirs politiques devront également déterminer leurs priorités : servir les béninois pour leur bien-être ou la France qui, légitimement, œuvre à conserver son hégémonie ? La jeunesse, quant à elle, devra probablement rester sur le qui-vive afin que son silence n’attise pas le brasier des mensonges. Comme le scanderait K-mal Radji : « Nous avons le devoir d’une mobilisation commune. De renforcer l’éducation selon nos valeurs et l’identité de notre peuple. Car l’avenir porte notre nom ! »
Par Djamile Mama Gao pour DROIT LIBRE TV