Ouagadougou : saison des pluies, saison de tous les dangers !

PAYS : Bénin
DATE DE PUBLICATION : jeudi 16 juillet 2015
CATEGORIE : Articles
THEME : Société
AUTEUR : Redaction

Le Burkina Faso entre de plein pied dans la saison des pluies. Lentement, mais surement, la saison s’installe progressivement. Dans les quatre coins du pays, les agriculteurs s’attèlent à la tâche dans leurs travaux champêtres. Sarcler, labourer et semer rythment leur quotidien. Dans la capitale, c’est une autre réalité.

Ouagadougou, il est 11h07mn ce mardi 15 juillet. Le ciel est menaçant. La pluie est imminente et c’est une course à la montre pour tous. En circulation, en famille ou au marché, la consigne est la même : faire vite pour être à l’abri ou ranger ce qui peut l’être avant le début de la pluie. Du coup, plus de grande précaution ni de protection ; « pourvu que la pluie ne me trouve au dehors ». Cet état de fait se constate aisément en circulation. Des véhicules en passant par les motos jusqu’au vélo, à chacun sa vitesse. Les excès de vitesse sont permanents et le code de la route rangé aux oubliettes. Les feux tricolores deviennent de simples panneaux décoratifs, tellement ils ne sont plus respectés. A la question de savoir pourquoi il fait autant de vitesse, un motocycliste nous lance ceci « vous ne voyez pas que la pluie se prépare ». Le temps d’une autre question, notre ami est déjà très loin ; difficile de le rattraper. Dans ces conditions, le danger n’est également pas loin.

Brève période, mais dangereuse

Des accidents, aux accrochages en passant par les chutes libres, pas mal de chose se passent dans ce laps de temps avant la pluie. Un accrochage entre un véhicule et une moto sur l’avenue Babanguida retient notre attention. Plus de peur que de mal. Nous nous approchons pour comprendre les circonstances et écouter la conversation qui s’est enclenchée entre les deux hommes. « Comme personne n’est blessé, nous devrions rendre grâce à Dieu », lance le monsieur du véhicule, un quinquagénaire. « Pas la peine donc de faire un constat, c’est de longues procédures qui vont nous fatiguer tous … », ajoute-t-il plus loin. « C’est effectivement mieux de régler ça à l’amiable », lance un observateur comme nous, venu prêter main forte aux accidentés. Le jeune homme de la moto acquiesce de la tête, jette un coup d’œil sur sa moto brisée d’un côté et parfait l’entente « … en tout cas, je pense que c’est la meilleure solution ». En réalité, apparemment, aucun d’eux n’a raison et chacun semble pertinemment le savoir. Le monsieur du véhicule a brulé le feu tricolore juste devant l’alimentation la Surface et le jeune homme, vraisemblablement un étudiant, circulait en sens interdit sur la voie des automobiles pour aller vite.
Plus de temps de suivre cette conversation, il est environ 11h32 quand la pluie commence effectivement. Chacun se cherche.

Circuler sous une forte pluie est aussi très dangereux

Il pleut très fort et nous nous abritons dans un kiosque non loin de l’entrée de l’UFR Science Juridique et Politique (SJP) de l’Université de Ouagadougou. Le temps d’un café et nous voilà dans une conversation avec les habitués du coin, les étudiants. Sur la voix, des « forceurs » comme on les appelle. A moto ou à vélo, ça circule malgré la visibilité nulle, le vent violent et la grosse pluie qui tombe. Se mettre à l’abri et éviter une surprise désagréable ou tout simplement de piquer un rhume ou une bronchite n’est pas à l’ordre du jour chez eux. Tout mouillé, ils foncent et foncent. Pendant ce temps, la sirène de l’ambulance continue de s’excuser, de ramasser des accidentés, même sous la pluie. Si les sapeurs-pompiers avaient le pouvoir de répression, nous parions que des pompiers pourraient gifler un jour des accidentés tellement ils sont en colère de toujours venir au secours de gens qui n’ont même pas pitié d’eux-mêmes. Que dire de nos caniveaux transformés en poubelles publiques ?

« Je n’ai pas eu d’autres choix … » !

Il est environ 14h30, sous une fine pluie, quand nous quittons le kiosque. Il faut maintenant trouver un lieu pour se restaurer. Quelques kilomètres plus loin, la pluie se complique, nous nous abritions dans une buvette non loin du marché de Nabi Yaar question de manger et boire rapidement quelque chose. Nous ne serions au courant de rien, si le « parkeur » (personne en charge de la sécurité des engins) ne s’était pas plaint. « Madame, votre attitude de tout à l’heure ne m’a pas plu, … c’est parce que je m’étais abriter à cause de la pluie, sinon vous n’alliez pas jeter ça à côté de mon parking (dans le fossé) », a-t-il lancé approximativement avant de rebrousser chemin pour aller ranger ses engins. Quelle coïncidence ? Nous avons tout compris. En fait, profitant de la pluie, la bonne restauratrice avait jeté ses ordures ménagères dans le caniveau d’à côté. La bonne partie des ordures avait été emportée par les eaux en direction de je ne sais où, mais il en restait toujours un peu dans le fossé. Nous profitons de la situation pour introduire une conversation avec elle. A la question de savoir pourquoi elle a jeté ses ordures dans le fossé, elle rétorqua avec une allure de regret « je n’ai pas eu le choix mon fils, sinon je sais que ce n’est pas bon ». A la limite, elle nous a fait, à la suite de la conversation, un cours des conséquences qui peuvent s’en suivre en cas de forte pluie si les caniveaux sont bouchés. Plus la peine donc d’insister, d’essayer de convaincre une personne qui l’est déjà. Au finish, tu te demandes malgré tout ce qu’elle sait sur la question, qu’est-ce qui peut bien la pousser à se comporter de la sorte ? Mauvaise volonté, paresse … ? Boule de gomme.

Nous ne sommes pas du sel qui risque d’être dissout sous la pluie, nous ne sommes également pas des roches qui n’ont pas peur de la pluie. Avant donc la pluie, la prudence doit être de mise et l’excès de vitesse évité ; pendant la pluie, il est conseillé de s’abriter surtout quand elle est forte. Pour le cas de nos caniveaux, curons-les et évitons de les encombrer d’ordures, cela y va de notre sécurité et de celle de nos biens. Vivement que la sagesse prévale. Bonne saison de pluie à toute et à tous.

Ismaël Compaoré

« Le rôle des intellectuels n’est pas de participer à la lutte pour le pouvoir. Encore moins de chercher à l’exercer. Leur rôle est, précisément, de se dessaisir autant que possible de tout pouvoir, de renoncer à l’exercice de tout magistère. Il n’est pas d’interpeller qui que ce soit. Il est de se faire, pour une fois, les maîtres de l’ascèse. »

Achille MBEMBE, historien et politologue camerounais in « Le lumpen-radicalisme et autres maladies de la tyrannie », publié dans le MONDE Afrique

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