Le C.I.F.D.H.A décrypte la situation des droits humains et des incidents constatés lors des élections du 29 novembre

PAYS : Bénin
DATE DE PUBLICATION : vendredi 4 décembre 2015
CATEGORIE : Articles
THEME : Politique
AUTEUR : Redaction

Le Centre d’Information et de Formation en Matière de Droits Humains en Afrique (CIFDHA) a tenu une conférence de presse ce 04 décembre 2015 à son siège à Ouagadougou. Objectif : faire le bilan et livrer le contenu du rapport de son projet sur « l’engagement des jeunes pour des élections apaisées et le renouveau démocratique du Burkina Faso ». C’est devant un parterre de journalistes et de partenaires du projet qu’Urbain Yameogo et Hervé Diakiessé ont expliqué les procédures, les méthodes de travail et les conclusions du rapport.

Lancé le 07 septembre 2015, en prélude aux élections du 11 octobre, ce projet avait entre autre pour objectif de contribuer à la transparence et à la crédibilité du scrutin. Les raisons qui ont conduit à la mise en place d’un tel projet étaient entre autre liés à l’enjeu historique du scrutin, aux risques d’affrontements et de contestations des résultats qui pourraient survenir par manque de « fair-play électoral ». Mais, c’était sans compter sur l’irresponsabilité des éléments de l’ex-RSP qui vont perpétrer le 16 septembre, ce qu’il convient de qualifier d’un des coups d’Etats le plus bête de l’histoire de l’humanité. Cette nouvelle donne va un peu « glacées » les partisans de l’éclosion d’une démocratie juste et équitable au Burkina Faso, sans « jamais les décourager ». C’est ainsi qu’après la résistance qui a abouti à la neutralisation du RSP et du chef putschiste Gilbert Dienderé ainsi que les autres acteurs et complices du coup d’Etat, le processus électoral pouvait reprendre normalement son cours. Les élections ont été reprogrammées au 29 novembre et le CIFDHA a repris à nouveau les activités dans le cadre de son projet.

De la formation des moniteurs à la sensibilisation des jeunes sur le processus électoral

Le 12 novembre 2015, dans les locaux du centre Cardinale Paul Zoungrana à Ouagadougou, le CIFDHA a procédé à une formation de ses jeunes pour des élections crédibles et transparentes. Le monitoring des droits humains en période électorale et l’observation des élections étaient au centre des préoccupations au cours de cette formation. Signaler tous les incidents en lien avec les élections avant et pendant le processus était la mission assignée aux moniteurs. « Ce sont des incidents qui nous intéressent. Ce qui n’est pas bien qui nous intéresse », a martelé Urbain Yaméogo aux participants ce jour. La production de deux chansons « vote utile » et « fair-play » ainsi que l’organisation de 10 émissions radios interactives étaient également dans le programme de sensibilisation du CIFDHA. Elles avaient pour objectif d’inciter les populations à un vote responsable et à l’acceptation des résultats des urnes.

Les élections ont bel et bien eu lieu « sans incidents majeurs » et le CIFDHA a à nouveau fait appel à la presse ce 04 décembre 2015 pour faire le bilan de sa participation au processus électoral et de sa contribution pour la crédibilité du scrutin.

Bilan de la participation du CIFDHA pour la crédibilisation du scrutin

Sur la sensibilisation pré-électorale, le CIFDHA a atteint son objectif, à en croire Urbain Yaméogo. Les émissions radiophoniques et la production des deux chansons « vote utile » et « fair-play » ont été réalisés et diffusés dans les radios et chaines de télés de la place. Les clips des chansons ont été joués en boucle sur les chaines de télévision ... La suite des activités du projet ont été déroulées lors de la campagne électorale et jour du scrutin.

« … Depuis l’ouverture de la campagne électorale le 08 novembre 2015 jusqu’à la publication des résultats, le CIFDHA a suivi avec attention les activités des candidats, de leurs partis et de certains de leurs partisans grâce à 75 jeunes moniteurs formés et déployés sur les 4 régions afin de déceler les faits et discours ayant des incidences sur les droits humains. Un Comité de veille de 9 personnes basé à Ouagadougou a assuré la coordination du travail de terrain, le contact avec des états-majors de partis politiques, et le lien avec des journalistes pour la veille informationnelle … ». C’est l’essentiel du dispositif mis en place par le CIFDHA dans le cadre de la surveillance du processus électoral. Au nombre des manquements constatés lors de la campagne électorale, le CIFDHA a remarqué que « tous les partis se sont livrés à l’affichage sauvage à des endroits souvent non autorisés dans la ville de Ouagadougou. De même, tous ont été victimes d’arrachage de leurs affiches ». Les auteurs de ses forfaits n’ont pas été formellement identifiés. Aussi, des partis politiques se sont adonnés à « la vente de t-shirts à des coûts insignifiants (200f cfa) même sans logo ni effigie, la distribution de carburants ou toute autre forme de libéralités déguisées violent l’esprit de l’article 68 du code électoral ». Le CIDHA a également noté des insuffisances sur le corps électoral. Il estime que « le corps électoral demeure faible voire étriqué pour une population de 17 millions très majoritairement jeune ». Pour cette organisation de défense des droits humains « le système actuel d’enrôlement occasionnel verrouille et empêche de se prévaloir de ses droits civiques en particulier du droit de vote. Il convient de réfléchir à une plus grande sécurisation des cartes d’identité (CNIB) afin d’en faire en même des cartes d’électeurs de sorte que l’enrôlement soit automatique dès lors qu’un citoyen se fait établir une pièce d’identité ».

Des manquements organisationnels ont également été constatés le jour de vote par les moniteurs du CIFDHA. Il s’agit entre autre du retard dans l’ouverture de certains bureaux de votes, la compression des bureaux de vote ou leur relocalisation dans des centres méconnus des électeurs sans les avoir informés au préalable, le mauvais positionnement des isoloirs et le manque ou insuffisance du matériel de vote ou du personnel électoral dans certains bureaux de vote, etc. Ceci constitue, à en croire Hervé Diakiessé, « une entrave au droit de vote de certains citoyens ». Toutes les informations reçues par le centre opérationnel du CIFDHA basé à son siège à Ouagadougou ont été compilées et transcrites dans un rapport qui porte sur « l’analyse de la situation des droits humains et des incidents constatés lors des élections couplées présidentielles-législatives 2015 ».

Ce rapport sera transmis aux autorités du Burkina, à la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH), aux ministères compétentes dont ceux de la justice et de l’administration territoriale. Il sera également transmis aux partis politiques qui y sont nommément cités.

Les animateurs de ce point de presse ont tenu à préciser que « les insuffisances constatées ne sont pas à mesure d’entacher à la crédibilité du scrutin ».

Le CIFDHA s’est réjoui de l’issue « apaisé, transparent et crédible » du scrutin et a salué l’ensemble des acteurs qui y ont contribué en particulier les partenaires techniques et financier qui les ont permis de réaliser ce projet.

Ismaël Compaoré

« Le rôle des intellectuels n’est pas de participer à la lutte pour le pouvoir. Encore moins de chercher à l’exercer. Leur rôle est, précisément, de se dessaisir autant que possible de tout pouvoir, de renoncer à l’exercice de tout magistère. Il n’est pas d’interpeller qui que ce soit. Il est de se faire, pour une fois, les maîtres de l’ascèse. »

Achille MBEMBE, historien et politologue camerounais in « Le lumpen-radicalisme et autres maladies de la tyrannie », publié dans le MONDE Afrique

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