Burkina Faso : La longue marche vers la démocratie
2014 a été une année aux évènements tumultueux au Burkina Faso. L’idée de modification de l’article 37 par le camp Compaoré a fait couler beaucoup d’encres et de salives. La révision constitutionnelle visait à autoriser le chef de l’État Blaise Compaoré à se représenter pour un cinquième mandat après 27 ans passés au pouvoir. Dès lors, les Burkinabè étaient divisés entre pro et anti modification constitutionnelle. Le peuple dans son ensemble envoie des signaux rouges au président Compaoré mais ce dernier s’est entêté jusqu’à ce qu’il soit emporté par la rue. Une transition a été mise en place avec pour mission principale l’organisation des élections. C’est chose faite depuis le 29 novembre 2015 avec comme nouveau président élu, Roch Marc Christian Kaboré.
Malgré l’opposition farouche de bon nombre de Burkinabè à la velléité de tripatouillage constitutionnel, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), parti au pouvoir, et ses satellites ont tenu coûte que coûte à aller au referendum. L’équation d’aller au referendum semblait irréversible par la bénédiction de l’ADF/RDA, parti de la mouvance présidentielle qui disposait 18 députés à l’Assemblée Nationale. Un nombre suffisant qui devrait suffire au CDP de disposer de la majorité à l’hémicycle pour l’adoption du projet de loi visant la modification de la constitution. Dès lors, on n’aura plus besoin d’un référendum. Toutes les forces vives du pays se mettent en branle pour barrer la route au vote de la loi. Le 28 octobre est marqué comme début de l’insurrection qui va se concrétiser les 30 et 31 octobre 2014. L’insurrection fera de nombreuses victimes. La violence a fait 34 martyrs et de nombreux blessés. Sous la pression de la rue, le président a retiré le projet de loi. Mais cela ne suffit plus. La population est passée à la vitesse supérieure. L’Assemblée Nationale a été prise et incendiée le 30 octobre 2014. La situation est intenable. Blaise Compaoré a démissionné le 31 octobre et a été exfiltré par l’armée française en Côte d’Ivoire.
Après de nombreuses tracasseries, un président intérimaire est mis à la tête de la transition. Le peuple a jeté son dévolu sur Michel Kafando, un diplomate à la retraite. La transition est mise en route. L’État fonctionne à nouveau. S’il y a eu des avancées majeures dans le dossier Thomas Sankara et la réouverture du dossier Norbert Zongo, les attentes de la population restera en grande partie non satisfaite.
De nombreux défis à relever…
En effet, le chômage poursuit son chemin et gagne de nombreux jeunes. L’amélioration des conditions de vie reste un autre challenge.
Le sentier de l’éducation reste intact. L’Université de Ouagadougou (UO) reste jusque-là l’univers des contestations. L’adoption de la reforme Licence-Master-Doctorat(LMD) sans mesures d’accompagnement, insuffisance d’infrastructures, etc. sont toujours dans l’agenda des problèmes non résolus. Ces difficultés sont connues de toutes les universités du pays.
La santé ne connaitra pas une évolution majeure. Manque de logistique, d’infrastructures, de personnel sans oublier les coûts des soins élevés. Un autre défi qui reste à relever serait celui des menaces terroristes qui pèsent sur le pays.
Il est donc évident que Roch et ses camarades ne vont va chômer vue l’immense attente de la population, surtout qu’ils n’ont pas été avare en promesse pendant la campagne. Les défis à relever sont nombreux pour redonner au peuple Burkinabè la foi en l’avenir.
Ce tableau sombre que la transition a laissé appartient désormais aux nouvelles autorités.
RSP, la croix au cou de la transition
Blaise Compaoré est parti certes sous la bourrasque populaire mais une chose est de conduire le pays à bon port. Ceci dit, la transition ne sera pas de tout repos. Le Régiment de sécurité présidentiel (RSP), la fameuse garde prétorienne de Blaise Compaoré fera irruption à maintes reprises aux hebdomadaires conseils des ministres. Les avatars de la transition ont ainsi commencé. En effet, le Général Gilbert Diendéré, ancien chef d’état-major particulier à la présidence et par ailleurs fidèle parmi les fidèles compagnons de Compaoré, digère très mal la capitulation de son mentor. Il décidera, à sa manière de lui rendre justice.
Ainsi, le 16 septembre 2015, à quelques quatre jours des débuts des campagnes pour les élections prévues pour se tenir le 11 octobre 2015, le RSP interrompt le conseil des ministres. C’est la prise d’otages du président Kafando et les membres du gouvernement. Certains ministres seront relâchés mais le président Kafando et son 1er ministre et deux autres ministres seront séquestrés pendant quelques jours. La prise d’otage s’est soldée rapidement par un coup d’Etat. Le coup d’Etat le plus stupide et le plus nul de l’humanité venait ainsi d’être perpétré au Burkina Faso.
Un Conseil National de la Démocratie (CND) sera mis en place par les putschistes. Gilbert Dienderé préside ledit CND. La nation toute entière est debout pour s’opposer au coup de force de Dienderé. Les rues s’enflamment. La résistance s’intensifie. Le pays envoie des signaux inquiétants au reste du monde. Gilbert Dienderé et ses hommes seront affublés par les sobriquets les plus sévères tels que félon, terroristes, dictateur, etc. les putschistes semblent rester sourds aux mécontentements généralisés de la population. Ainsi, le reste de l’armée entre dans la danse. Les forces loyalistes convergent des provinces vers la capitale Ouagadougou et délogent les éléments du RSP. Dienderé capitule et sera arrêté. Il séjourne désormais à la Maison d’Arrêt et de Correction de l’Armée (MACA).
La transition, jusque-là interrompue sera remise sous scelle. Une nouvelle date des élections est fixée pour le 29 novembre 2015. Plus d’obstacles à l’horizon pouvant entraver la tenue des élections.
Burkina Faso : Vitrine de la démocratie
Le 8 octobre marque donc le début des campagnes. 14 candidats parmi lesquels deux femmes sont en lice pour la présidentielle. Le pays rime au rythme des monstrueuses mobilisations pour certains partis mais aussi de faibles mobilisations pour d’autres « petits » partis. Selon les observateurs de la scène politique, c’est la campagne la plus « saine » que le pays ait connu. En effet, ces campagnes sont dépourvues de trop de polémiques vaines, ni d’arguments ethniques ou régionalistes. Tous propos malveillants étaient proscrits. Bref, vouloir trouver des écarts de langage serait synonyme de chercher des poux sur des crânes rasés.
Campagne civilisée assortie d’une forte participation avec un taux appréciable de participation de 60% ; un scrutin qui s’est déroulé dans un climat apaisé ; la transparence dans le traitement des résultats ; verdict donné à jour J+1 et accepté de tous ; félicitations du gagnant Roch Marc Christian Kaboré par son principal adversaire, Zéphirin Diabré et d’autres concurrents ont ponctué les temps forts de ces élections. Pour un fair-play, c’en était un vue les chapelets de félicitations que le pays a reçu de par le monde.
Un autre fait majeur qui ne saurait passer inaperçu c’est la réduction de la corruption autour du processus électoral au niveau le plus minimal possible : pas de pagnes frappés à l’effigie du candidat, pas de ballons de foot ou de thé... Il n’y a pas non plus un usage abusif des biens de l’État au service d’une candidature.
Ministre, Premier Ministre puis président de l’Assemblée Nationale, Roch Marc Christian Kaboré, 58 ans et ancien compagnon de l’ex-président Blaise Compaoré est depuis le 30 novembre le nouveau président du Faso. 3 309 988 des Burkinabè sur 5 517 015 inscrits se sont rendus aux urnes le 29 novembre dernier. Et 1 668 169 voix soit 53,49% ont élu Roch Marc Christian Kaboré à la tête du pays.
Le nouveau soleil du 1er décembre qui s’est levé avec le visage d’un nouveau président est celui également de plusieurs attentes du peuple. Les cahiers de doléances au président élu sont nombreux. Étant donné qu’il soit de l’ancien régime, nombre de Burkinabè sont pessimistes quant à la question de rupture avec les vieilles pratiques. Comme pour dire que Blaise Compaoré n’est pas définitivement parti, ses anciens collaborateurs ont repris d’une manière ou d’une autre la situation en main : « nous attendons le maçon au pied du mur », doutent bon nombre de Burkinabè. Il appartient de ce fait au RSS, entendez Roch (Roch Marc Christian Kaboré) ; Salif (Salif Diallo, ancien ministre de l’agriculteur) et Simon (Simon Compaoré, ancien maire de Ouagadougou), trio fondateurs du Mouvement du peuple pour le progrès(MPP) de démontrer le contraire. Car, le peuple ne leur accordera pas un délai de grâce.
Du boulot ! Plus que sûr, il en existe. Ce sera du pléonasme de dire que Rock est attendu sur des actes sociaux, de l’éducation, de la santé, de l’équipement routier et tant d’autres projets pour faire de ce pays une destination prospère. Le peuple insurgé attend et veut le concret. Vite donc au boulot !
Masbé NDENGAR