Explosion de Larlé : un an après, les sinistrés vivent dans l’indifférence totale

PAYS : Bénin
DATE DE PUBLICATION : mercredi 15 juillet 2015
CATEGORIE : Articles
THEME : Politique
AUTEUR : Redaction

Il y a de cela un an, le 15 juillet 2014, survenait à Larlé, un quartier de Ouagadougou, une explosion d’une rare violence qui a provoqué une panique et une terreur au sein des populations du quartier, des environs et toute la ville de Ouagadougou. Cette explosion a fait de nombreux morts, de dizaines de blessés et plusieurs personnes traumatisées. Depuis une année, les victimes disent être abandonnées, sans soutien matériel ni même moral des autorités. Ainsi, pour se faire entendre, elles ont organisé une marche, à Ouagadougou, à l’occasion de ce triste anniversaire.

Cinq morts, vingt blessés, plusieurs personnes traumatisées auxquels s’ajoutent de nombreux dégâts matériels, tel était le bilan de l’explosion de Larlé du 15 juillet 2014. Que s’était-il passé à l’époque ? Boule de gomme et mystère et ce, jusqu’ aujourd’hui : «  jusque-là, aucune explication convaincante n’a été apportée aux causes réelles de cette explosion », a confié le président de de la CCVC des arrondissements 1 et 2 de l’ancien Baskuy, Jean de Dieu Ouédraogo. Les victimes veulent non seulement savoir ce qui s’est passé mais veulent être dédommagées. En ce jour de triste anniversaire, les sinistrés ont organisé une marche sous la bannière de la Coalition nationale de lutte contre la vie chère, la corruption, la fraude, l’impunité et pour les libertés (CCVC). Une marche au cours de laquelle une lettre a été remise au secrétaire général du Ministère de l’action sociale et de la solidarité nationale, Zoubila Yves Kaboré qui devra la transmettre au président de la transition Michel Kafando. Selon la CCVC, les sinistrés sont abandonnés à leur triste sort : ils sont sans abris, sous la pluie ; ils vivent dans l’insécurité totale. Il est donc du devoir de l’État, en tant que garant de la sécurité des citoyens d’assumer ses responsabilités.

Les victimes ont égrené quelques revendications à savoir le dédommagement de ceux qui ont perdu leurs biens ; l’indemnisation des ayants-droit des victimes décédées ; le relogement sur le site explosé dans des maisons reconstruites ; la recherche des véritables coupables de ce drame et leur sanction exemplaire, etc.

Le vécu des sinistrés n’est guère reluisant depuis le drame. «  C’est triste ! Les autorités envoient certaines victimes sans abris d’un site à un autre. Ces sites sont souvent sans latrines, sans toilettes, l’insécurité y est grandissante ; ils sont l’objet des vols constants. Quant aux autres victimes qui ne sont pas prises en charges, elles sont laissées à leur triste sort », a laissé entendre Guébré Siméon, secrétaire à l’information de la CCVC. Dans la foule, il n’est pas rare de voir des gens qui portent encore les stigmates de cette violente explosion. Les cicatrices des blessures sont encore visibles : ceux qui ont perdu l’usage de leur membre, quid une jambe, un œil, un bras… sont nombreux. Que dire de ceux qui vivent le traumatisme ? À ce sujet, nous avons approché un homme, adossé au mur, un regard perdu et semble être indifférent à ce qui se passe autour de lui, pour lui tendre notre micro mais avant de lui parler il nous lance d’un ton sec : «  je n’ai ni envie ni la force de parler ; laissez-moi tranquille ». Il termine à peine sa phrase que ses larmes ont commencé à couler. Il a été rapporté que ce dernier avait perdu sa femme dans l’explosion et vit depuis ce temps le traumatisme. Et à Michel Tiendrébéogo, secrétaire général de l’association des sinistrés, d’ajouter « C’est la désolation totale car nous avons tout perdu. Ce que l’État doit faire, c’est de nous dédommager pour pouvoir reprendre notre vie ». Les uns et les autres se demandent pourquoi les autorités restent indifférentes à leur situation. Les victimes de crash d’air Algérie ont été prises en charge mais pourquoi pas eux ? Ne sont-ils pas des Burkinabè comme les autres pour que leur problème ne soit pris en compte ? « Je suis artiste comédienne danseuse et j’ai perdu l’usage de ma jambe dans cette explosion. Je ne peux rien faire actuellement quand bien même que j’ai des prestations. Nous n’avons aucune aide : pas de soutien matériel ni moral de la part des autorités », foi de Haoua Prisca Compaoré qui ne pouvait contenir sa colère et sa déception. C’est comme si les autorités nous disaient « si vous voulez mourir alors vous étés libres de mourir ; si vous voulez vivre, c’est aussi votre droit », a poursuivi Haoua Prisca Compaoré qui ne pouvait se contenir de laisser entendre avec colère : « c’est quelle affaire ça ?  » essoufflée, l’artiste comédienne danseuse a lancé un appel à toutes les bonnes volontés qui pouvaient leur venir en aide parce que, selon elle ils sont fatigués d’endurer cette souffrance.

Rolande Ouédraogo, qui a perdu son œil et une partie de sa joue gauche se souvient vaguement de ce qui s’était passé : « J’étais en communication à la maison quand soudain j’ai entendu un bruit assourdissant qui m’a paralysé. Je me suis écroulée sur le champ. Dès lors, je ne savais plus ce qui se passait autour de moi. Je me suis retrouvée à l’hôpital et c’est là que je me suis rendu compte que mon œil a été atteint ». Elle nous confie que d’après son médecin, ses soins nécessitent une évacuation à l’étranger, mais comment cela sera est-il possible pour elle qui n’a aucune aide ? Se demande-t-elle entre deux soupires.

Masbé NDENGAR

« Le rôle des intellectuels n’est pas de participer à la lutte pour le pouvoir. Encore moins de chercher à l’exercer. Leur rôle est, précisément, de se dessaisir autant que possible de tout pouvoir, de renoncer à l’exercice de tout magistère. Il n’est pas d’interpeller qui que ce soit. Il est de se faire, pour une fois, les maîtres de l’ascèse. »

Achille MBEMBE, historien et politologue camerounais in « Le lumpen-radicalisme et autres maladies de la tyrannie », publié dans le MONDE Afrique

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