Verdict du procès Hissène Habré : Une leçon pour les tueurs invétérés !

PAYS : Sénégal
DATE DE PUBLICATION : jeudi 2 juin 2016
CATEGORIE : Articles
THEME : Justice
AUTEUR : Redaction

Le procès de Hissène Habré, l’ex dictateur Tchadien s’est ouvert à Dakar devant les Chambres africaines extraordinaires le 20 juillet 2015. Cela fait plus de 25 ans que les victimes courent après ce procès. Habré est accusé de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture durant son règne. Il a accédé au pouvoir en septembre 1982 et a régné pendant huit ans. Huit années qui semblaient être une éternité vue l’ampleur de l’horreur et de la terreur que le peuple a vécu. Il a dans son placard plus de 40 000 macchabées ; 80 000 orphelins ; 30 000 veuves et 200 000 personnes sans assistance aucune. Il faut voir juste à travers ce verdict l’aboutissement d’un vœu des victimes. La sentence du 30 mai 2016 le condamnant à perpétuité a apaisé les cœurs des victimes et de leurs familles. C’est dans une euphorie que les veuves et les orphelins ont défilé dans les rues de N’Djamena. Les dirigeants à la trempe de Habré sont nombreux sur le continent Noir et le cas Habré, normalement devrait leur servir de leçon mais comme ils ont été tous à la même école, ils répondront de la manière d’Hissène Habré devant l’histoire.

Nous avons entendu Hissène Habré hurler comme un enfant le 20 juillet dernier, à l’ouverture de son procès. Qui aurait cru que l’homme fort, celui-là qui avait le droit de vie ou de mort sur ses compatriotes, pouvait un jour, hurler d’une manière la plus humiliante ? C’est pour dire que c’est manu militari que les forces de sécurité ont amené le lion du parti unique devant les juges le 20 juillet 2016. Vêtu de blanc immaculé, l’homme à la barbare, chétif et aux mains ensanglantées a répondu des chefs d’accusation qui sont entre autre les crimes contre l’humanité, crimes de guerre et cas de torture. Les faits se sont déroulés de 1982 à 1990 au Tchad. Pendant les huit ans de règne de Habré, son pays ne sentait que l’odeur de cadavres humains. Les deuils se succédaient de famille en famille, de jour en jour et même de nuit en nuit. Des morts et encore des morts, par dizaines, par centaines et par milliers. On estime le sombre bilan du règne de Habré à plus de 40 000 morts ; 80 000 orphelins ; 30 000 veuves et 200 000 personnes se trouvant de ce fait, sans assistance aucune. C’est entre joie et sentiment d’une justice rendue que les victimes ont reçu le verdict du tueur invétéré. C’est encore avec joie que le 29 mai 2016 à N’Djamena, musulmans et chrétiens, à l’unisson ont prié pour que sa peine soit maximale. Un cas rarissime.

L’histoire est une roue qui tourne…

Après avoir martyrisé bon nombre de ses compatriotes, on a l’impression que l’homme chétif de Faya Largeau a aujourd’hui peur de croiser le regard des victimes. A peine arrivé dans la salle, à l’ouverture du procès le 20 juillet, que le tyran a mis son stratagème en œuvre en criant à la machination : « A bas les traîtres de l’Afrique ! A bas les impérialistes ! C’est du néocolonialisme, c’est une farce des politiciens pourris du Sénégal ! Les valets des Américains, traîtres en Afrique ! » Avait-il oublié subitement que le néocolonialisme existait lorsqu’il tuait ? a-t-il oublié que c’étaient aussi, en son temps, des fonctionnaires pourris qui faisaient ses sales besognes ? Ah ! Que l’histoire est rancunière et finit toujours par se venger. L’histoire, doit-on le rappeler, est une roue qui tourne et est têtue ; elle finit, sans exception des cas, par dicter sa propre loi au moment opportun. Et c’est ce qui s’est passé.

En effet, la condamnation de Habré devrait servir de cas d’école pour tous les autres satrapes. Mais les connaissant, le contraire est à parier. Nombreux sont ces dirigeants sous nos tropiques qui, une fois arrivés au pouvoir, utilisent la force publique pour s’éterniser au pouvoir. En ce moment, tous les moyens sont bons pour rester pendant longtemps que possible au pouvoir : la tuerie, la corruption, la gabegie, les détournements des deniers publics, bref, les méthodes peu orthodoxes sont devenues des pratiques normatives. Ils ont droit de mort sur tout ce qui respire. Ils oublient qu’un jour viendra où ils seront appelés à répondre de leurs actes au tribunal de l’histoire. La nuit à beau duré, le jour finira par se lever.

Faut-il leur rappeler aussi que la longévité au pouvoir n’est pas sans conséquences. Malheureusement, ces mégalomanes pensent être investis d’un pouvoir messianique et que seule la mort pouvait les en séparer. Le plus souvent, les crânes aux bonnets rouges refusent de partir parce qu’ils ne veulent pas soulever les pieds sur les macchabées dont ils en sont auteurs. Malheureusement, une fois de plus, l’histoire est têtue et finit toujours par révéler sa vérité. Mieux vaudra partir pendant qu’il est temps : «  allez-vous en pendant qu’il est temps », a chanté Alpha Blondy, le reggae man Ivoirien.

Que ses petits esprits sataniques comme Habré sachent que de leur gestion du pouvoir d’État découlera leur sort. Soit triste comme c’est le cas actuellement ou glorieux comme c’est le cas de Alpha Oumar Konaré du Mali. Ceux qui auront un sommeil troublé sont nombreux et dans quelques années, le tribunal de l’histoire les appellera à la barre. On peut nommer sans risque de se tromper Oumar El Béchir du Soudan, Pierre Nkurunziza du Burundi, Paul Biya du Cameroun, Idriss Deby du Tchad, les Congolais Joseph Kabila et Sassou Nguessou, etc. la liste est longue.

La CPI a- t-elle sa raison d’être encore ?

On ne peut cacher de manifester sa joie dans la mesure où ce procès s’est déroulé sur notre continent. Longtemps considéré comme continent incapable de rendre justice d’une manière équitable, le procès de Habré, homme d’une cruauté extrême, sans état d’âme s’est déroulé en Afrique. Qui l’aurait cru ! Désormais les africains seront jugés en Afrique pour les crimes commis en Afrique : c’est l’honneur de tout un continent qui vient d’être sauvé. Le défi a été relevé et c’est ce qu’il faut bien encourager. Et si cela devra continuer, la Cour pénale internationale (CPI) risque d’être en chômage technique par manque de candidature. Elle qui, on a l’impression qu’elle a été érigée pour juger que les Africains. Que Jean-Pierre Bemba le Congolais ; Laurent Gbagbo et Blé Coudé, Ivoiriens et avant eux Charles Taylor, le Libérien soient les derniers candidats que l’Afrique ait fourni à la CPI. Vivement !

Masbé NDENGAR

« Le rôle des intellectuels n’est pas de participer à la lutte pour le pouvoir. Encore moins de chercher à l’exercer. Leur rôle est, précisément, de se dessaisir autant que possible de tout pouvoir, de renoncer à l’exercice de tout magistère. Il n’est pas d’interpeller qui que ce soit. Il est de se faire, pour une fois, les maîtres de l’ascèse. »

Achille MBEMBE, historien et politologue camerounais in « Le lumpen-radicalisme et autres maladies de la tyrannie », publié dans le MONDE Afrique

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