Tuerie à l’Université de Garissa au Kenya : Ces larmes qui ne se versent qu’ailleurs !

PAYS : Bénin
DATE DE PUBLICATION : mercredi 8 avril 2015
CATEGORIE : Blog
THEME : Opinions

La prise d’otage par les shebab à l’Université de Garissa au Kenya s’est soldée officiellement par 148 morts dont 142 étudiants, 3 policiers et 3 militaires. Ce 2 avril 2015, à 5h du matin, les petits esprits sataniques ont fait éruption au sein de l’université par la complicité de certaines personnes et ont ouvert le feu sur les étudiants dont la plupart sont des chrétiens. Quelques condamnations timides sont venues de l’occident mais en Afrique, c’est le statu quo.

Ces larmes sont bonnes à verser ailleurs et jamais en Afrique ! Les cadavres africains ne sont pas des bons cadavres à pleurer ou du moins ne méritent pas qu’on les pleure ! Sinon qu’est-ce qui peut bien expliquer le silence qu’ont observé les chefs d’États africains face au pogrom qui s’est passé au Kenya ? Presque aucun pays africain n’a officiellement condamné ce « génocide » que le peuple Kenyan a vécu. On comprend aisément donc que les chefs d’État africains étaient allés pleurer Charlie pour avoir la bonne grâce de l’ancien maitre. Malgré l’indépendance, le spectre de l’ancien colon plane et hante toujours les présidents au sud du Sahara.

L’attaque terroriste de Charlie a fait une douzaine de mort et a mobilisé plus de 4 millions de personnes dans les rues de Paris. Des autorités africaines s’y sont rendues et certains ne se sont pas empêcher de pleurer. Oui c’est l’émotion. Il n’est pas absurde de témoigner de la solidarité à autrui, maitre fut-il, surtout dans des pareilles circonstances. Il est incompréhensible de pleurer pour témoigner de la compensation à autrui et ne pas pouvoir verser des larmes pour soi-même lorsqu’on est endeuillé. Peut-on dire que la douleur qu’inflige la perte d’un être cher n’est pas la même partout dans le monde ? Ou les attaques terroristes ne s’équivalent-elles pas ? Ces questions méritent d’être posées.

La même mobilisation s’est produite à Tunis avec l’attaque du musée au cours de laquelle une vingtaine de personnes ont trouvé la mort. Le président Français, François Hollande s’est rendu en Tunisie pour une marche de protestation contre le terrorisme. C’est normal dans la mesure où quatre de ses compatriotes y ont trouvé la mort. Il n’est peut-être pas allé au Kenya parce que parmi ces morts il n’y a aucun français. Néanmoins, il a témoigné sa solidarité au peuple kenyan à travers une condamnation ferme. Merci Hollande. Mais paradoxalement, rare sont les présidents africains qui ont condamné cet acte odieux. Ce n’est malheureusement pas la première fois que les dirigeants africains versent dans un silence de mort voir coupable face aux crimes sans scrupule. Nous avons encore en mémoire les 2-mille personnes exécutées sans aucune forme de procès au Nigeria par Boko Haram. Personne n’avait levé le doigt pour dire ç’en est de trop. C’était presque au même moment que Charlie mais on a préféré aller pleurer plutôt à l’Elysée. Cela permettrait de sauvegarder le fauteuil présidentiel. Il n’y a rien de gratuit, c’est la loi de la nature. Plus loin cette attitude obéit à la maxime française selon laquelle « la France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts. »

Nous ne menons pas une étude comparative des situations, non loin de nous une telle idée. Seulement, l’attitude des dirigeants du continent africain nous surprend dans la mesure où ils s’intéressent plus à ce qui se passe sous d’autres cieux qu’à ce qui se passe sous les tropiques africaines. Cette indifférence nous intrigue. On a le droit de se demander si véritablement la loi de la proximité existe chez eux.

Le Kenya est-il condamné à mourir dans l’indifférence ?

L’immobilisme de ces chefs d’États fait honte à tout un continent. le sursaut de la solidarité, comme par enchantement a subitement disparu dans les habitudes. Qui de Macky Sall, Goodluk Jonathan ou de Yayi Boni le pleureur, qui étaient tous du convoi parisien a condamné cette barbarie ?
Le Mali et le Nigeria, tous deux sous les feux des terroristes n’ont pas réagi, ne serait-ce que par solidarité en tant que des victimes du terrorisme.
Le Kenya mérite mieux que ça. C’est une évidence !

Masbé NDENGAR

« Le rôle des intellectuels n’est pas de participer à la lutte pour le pouvoir. Encore moins de chercher à l’exercer. Leur rôle est, précisément, de se dessaisir autant que possible de tout pouvoir, de renoncer à l’exercice de tout magistère. Il n’est pas d’interpeller qui que ce soit. Il est de se faire, pour une fois, les maîtres de l’ascèse. »

Achille MBEMBE, historien et politologue camerounais in « Le lumpen-radicalisme et autres maladies de la tyrannie », publié dans le MONDE Afrique

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