Immigration ou le chemin de la mort

PAYS : Bénin
DATE DE PUBLICATION : jeudi 18 décembre 2014
CATEGORIE : Articles

Marchant jour et nuit sous le soleil accablant ou dans la fraicheur de la nuit, en Eté ou en Hiver, avec en main une goutte d’eau ou sans eau, des milliers de personnes tentent, essayent, osent et risquent leurs vies à la recherche d’un mieux-être. Parfois juste pour la pitance quotidienne dont ils n’ont pas accès. Dos mouillés ou clandestins ou encore réfugiés tels sont les sobriquets dont on les affuble, dénigrant du coup leur dignité. Errant dans le désert ou sur la mer à bord des pirogues ou des bateaux d’infortune, ces personnes sont dans le désespoir total sans un lendemain meilleur. De Lampedusa en passant par le Detroit de Gibraltar ou Ceuta et Melilla, la mer et les océans vomissent chaque jour des milliers de corps inertes, des gens morts pour cause d’avoir tout perdu chez eux allant à la recherche d’un eldorado dont leurs yeux ne verront au grand jamais : hypothétique eldorado ! Triste ! Mais que peut bien justifier ces départs périlleux ?

Malgré les murs barbelés, les gardes des frontières armés jusqu’aux dents, les moyens et les technologies haut de gamme employés pour traquer et empêcher les clandestins comme on les appelle, ils sont là et chaque jour aux portes de l’Europe ou dans n’importe quel pays du monde. Et ce à quel prix ? Évidemment celui de la mort ! Partir pour mourir en martyr de la pauvreté, de la galère. Du Mali au Sénégal en passant par l’Éthiopie ou l’Érythrée c’est le même refrain qu’on entend : des corps des africains retrouvés tous morts sur les côtes Espagnoles. « On est mieux que chez soi », d’après un vieux dicton mais pourquoi ces départs effrénés et parfois précoces ?

La question de migration est internationale et concerne donc tous. En effet, la question est aussi d’ordre politique. La politique appliquée sous nos tropiques est défaillante et inadaptées aux besoins de la population. Une politique jalonnée par le favoritisme, le népotisme favorisant ainsi une minorité au détriment du vulgum pécus miséreux. Et ce sont ceux-là qui côtoient chaque instant le désespoir qui se jettent dans les mers. Partir plutôt que de voir les siens mourir sous ses yeux, tel est le credo de certains.

Que dire de la justice ? Elle est quasi-inexistante et dans la mesure où elle pointe son nez, elle est aussi en inadéquation avec les aspirations du peuple. Elle est sujette à des frustrations. Cette justice est à l’image des gouvernants dont la plus part sont à l’origine des injustices. C’est au sommet de l’État que les crimes les plus crapuleux sont orchestrés : le Burkina avec l’affaire Norbert Zongo ou Thomas Sankara ; le Togo avec l’assassinat d’Ahlonko Dvid Bruce… nos palais présidentiels sont devenus des mouroirs pour les citoyens. Cette justice à géométrie variable réduit naturellement certains à l’exil. Le calvaire des domestiques togolaises au Liban en corrobore. La justice dans nos États Africains a besoin d’une autopsie sans complaisance. Et ce n’est pas fortuit lorsque le président Michel Kafando sonne les états généraux de la justice. Le moins qu’on puisse dire c’est qu’il y a péril en la demeure !

Ces causes se croisent et se renforcent. Comment se défendre contre des discriminations ethniques quand on est dans une misère matérielle ? Comment se faire entendre des tribunaux locaux ou internationaux dans ce cas, quand on n’a rien et qu’on est considéré comme rien ? Difficile à répondre. Dans ce cas on n’a pas le choix que de suivre la voix de son intuition : l’immigration est la solution à la persécution dont on fait l’objet. Si une personne ‘’abandonne’’ sa famille, ses enfants, sa culture, son pays bref les siens, ce n’est certainement pas pour une seule raison : c’est la somme de toutes frustrations et déception cumulée et accumulée pendant des années. Il est donc nécessaire de porter secours à ces petits héros qui tentent de survivre et non pas de leur tenir des propos injurieux comme : « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Et c’est encore frais dans l’esprit, l’affaire dite de Leonarda, du nom d’une gamine apostrophée lors d’une sortie de l’école et expulsée avec ses parents vers Kosovo. Ces cas de figure sont légion. L’inauguration du musée de l’immigrantion en France par François Hollande est un acte qui témoigne non seulement de l’amour qu’on a à l’endroit de ceux qui quittent leur pays mais c’est respecter tout simplement le droit des uns et des autres. Aussi est-il question de respecter leur mémoire et de renouer avec les valeurs historiques d’humanisme et de solidarité . De toutes les façons nous sommes dans un monde globalisé et on ne saurait empêcher aux personnes de se rendre là où elles veulent ce qui nécessite des dispositifs adéquat pour leur accueille.
Les autres principaux facteurs de la migration sont entre autres la croissance économique faible, une répartition inégale des revenus, des taux élevés de chômage, les conflits armés et les épurations ethniques, les violations des droits de l’homme, les persécutions, etc.

Néanmoins, force est de reconnaitre que tous les candidats à l’immigration n’y vont par manque de choix. Pour certains c’est un choix délibéré et judicieusement muri : ils ont le pain et vont chercher le beurre. A ceux-là nous leur souhaitons bonne chance. Toutefois en cette journée consacrée à l’immigration, Droit Libre TV souhaite plus de tolérance et de justice à l’égard de ceux qui ont quitté leur pays et leur famille.

Masbé NDENGAR

« Le rôle des intellectuels n’est pas de participer à la lutte pour le pouvoir. Encore moins de chercher à l’exercer. Leur rôle est, précisément, de se dessaisir autant que possible de tout pouvoir, de renoncer à l’exercice de tout magistère. Il n’est pas d’interpeller qui que ce soit. Il est de se faire, pour une fois, les maîtres de l’ascèse. »

Achille MBEMBE, historien et politologue camerounais in « Le lumpen-radicalisme et autres maladies de la tyrannie », publié dans le MONDE Afrique

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