Le festival Ciné droit libre (CDL) décentralisé a déposé ses valises à Ouahigouya du 14 au 15 juillet 2017. Pendant deux jours, les festivaliers de la cité de Naaba Kango ont assisté à des projections de films et participer aux diverses activités. Le contexte sécuritaire national et sous régional a valu le choix du thème : « droit de vivre : luttons contre l’extrémisme violent ».
Ainsi, des films qui abordent cette thématique ont été diffusés : « Salafiste », « Boko Haram : les origines du mal » etc. D’autres films qui traitent des problèmes brulants de l’heure ont été également à l’affiche. Il s’agit du film « Agrobusiness », de « Kemtiyu », un film sur le savant Cheikh Anta Diop, « une Révolution Africaine : les dix jours qui ont fait chuter Blaise Compaoré », etc. Dr Abdoul Saidou Karim, Me Guy Hervé Kam, l’imam Ismael Tiendrébéogo, le coordonnateur national du festival, Abdoulaye Diallo, se sont succédés au présidium pour échanger à bâton rompu avec les festivaliers.
Le festival Ciné droit libre (CDL) décentralisé a ouvert ses portes du 14 au 15 juillet 2017 à Ouahigouya. C’est à l’Institut Olvido qu’a eu lieu la cérémonie d’ouverture. Abdoulaye Diallo, coordonnateur national dudit festival, après avoir souhaité la bienvenue aux invités, est revenu sur l’historique du festival qui est à sa 12e édition. Il a tenu à remercier les Burkinabè d’avoir adopté ce festival, qui d’après lui, est un évènement d’éducation et de promotion des droits humains à travers le cinéma. Il a rappelé que le festival se tient chaque année dans six pays ouest africains : le Burkina Faso, la Cote d’Ivoire, le Mali, le Sénégal, le Niger et la Mauritanie.
Mme la secrétaire générale régionale de la région du Nord, Irène Coulibaly a apprécié le choix du thème. Elle estime que c’est un thème « évocateur » et « d’actualité ». Elle a loué également cette « initiative de conscientisation et de sensibilisation de la société ». Avant de déclarer la cérémonie ouverte, Irène Coulibaly a réitéré la disponibilité de l’administration a accompagné le festival pour une réussite totale.
Les autorités doivent prendre à bras le corps le problème avant qu’il ne soit trop tard
Pour la 1re journée, trois films ont été diffusés. Il s’agit de « Kemtiyu », un film consacré à la vie du savant Cheikh Anta Diop, « Agrobusiness » et « Salafiste ». Dr Abdoul Karim Saidou, Me Guy Hervé Kam, l’imam Ismael Tindrébéogo et Abdoulaye Diallo se sont relayés pour échanger avec les festivaliers. Les échanges ont été particulièrement houleux à l’issue de la projection du film sur l’agrobusiness. Les festivaliers ont recommandé la diffusion de ce film dans différentes localités du pays surtout celles qui sont concernées par ce phénomène. Pour eux, la diffusion de ce film sur la chaine de télévision nationale est un impératif car cela permettra, selon les cinéphiles, « aux autorités de prendre à bras le corps le problème avant qu’il ne soit trop tard». La situation décrite dans le film est « frustrante » et Me Guy Hervé Kam, l’un des panelistes n’a pas caché son inquiétude : « L’agrobusiness est une bombe foncière ». Abdoulaye Diallo embouche la même trompette : « L’agrobusiness est un blanchissement d’argent ».
Les participants ont échangé également sans langue de bois avec l’imam Ismael Tindrébéogo sur la question de l’extrémisme violent. L’imam a invité les uns et les autres à faire la part des choses, car, de son avis « il existe beaucoup de non-dit ». En guise d’exemple il fait comprendre que le concept « djihadisme » n’existe pas en l’islam et pourtant, les gens l’en ont attribué.
En plus des projections-débats, a eu lieu un dialogue démocratique sur le thème « la montée de l’insécurité au Burkina Faso : quelles solutions ? ». Ce thème a été décortiqué par Dr Abdoul Karim Saidou et Me Guy Hervé Kam. Les deux panélistes ont fait le diagnostic sécuritaire du pays et ont fait quelques recommandations. Dr Abdoul Karim Saidou estime que la politique de défense du Burkina Faso qui date de 2004 est largement dépassée. Pour lui, il est nécessaire de la reformer mais cela ne doit pas être laissé aux seules mains des militaires : « La réforme de l’armée devrait être l’affaire du peuple et non seulement l’affaire entre les mains des militaires ». Les participants, presque, sont unanimes que tout comme le pays n’est pas « politiquement indépendant », il va de soi que sa sécurité soit abandonnée entre les mains de la France. Ils décrient à cet effet, la présence de l’armée française sur le sol burkinabè. Mais Me Kam recadre le débat : « le problème n’est pas seulement la France mais l’incurie de nos dirigeants ».
Dans l’histoire de notre pays [Burkina Faso] jamais un phénomène ne m’a aussi fait peur comme les koglweogo
Lorsqu’on évoque la question sécuritaire au Burkina Faso, il est presqu’impossible que les koglweogo ne s’invitent pas dans le débat. Comme il fallait s’y attendre les avis sont divergents. Les échanges entre pro et anti koglweago ont été électriques en cette matinée du 15 juillet à la mairie de Ouahigouya. Pour les premiers, il faut distinguer les « vrais » koglweogo des « faux ». « Partout il existe des brebis galeuses. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain » défendent-ils mordicus leur position. Pour les anti koglweogo, une question leur semble cruciale : comment distinguer les vrais des faux ? Me Kam appartient à cette dernière catégorie et ne cache pas son inquiétude : « Dans l’histoire de notre pays [Burkina Faso] jamais un phénomène ne m’a aussi fait peur comme les koglweogo. Moi, personnellement, je préfère être torturé à mort même par un policier que par un koglweogo. Parce qu’avec un policier mes parents vont engager la responsabilité de l’Etat mais avec les koglweogo, on engage la responsabilité de qui ? ».
Les films « Boko Haram : les origines du mal » et « une Révolution Africaine : les dix jours qui ont fait chuter Blaise Compaoré » ont été projetés à la Place de la Nation de Ouahigouya dans la nuit du 15 juillet mettant ainsi fin au festival ciné droit libre décentralisé dans la ville de Naaba Kango. A l’année prochaine pour une autre édition.
Masbé NDENGAR
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